Légende pour l’illustration : Un enterrement à Ornans (détail), 1849-1850, Gustave Courbet, Musée d’Orsay, Paris.
Ce matin à La Brioche, commune de la métropole viennoise, les obsèques de la démocratie municipale se sont déroulées comme prévu. Dans la grande salle du funérarium, désinfectée avec soin pour dissiper l’odeur de putréfaction laissée par les cadavres du mandat précédent, la nouvelle majorité silencieuse a pris place dans ses petits boxes de bois, pour ne pas dire entre quatre planches.
Bernard Lecorbeau a officié sans masque. Oint du Seigneur, rien ne l’atteint. Les activistes bruyants avaient été réduits au silence par la force du règlement intérieur et la contrainte de l’ordre du jour. Il fallut bien, au nom de la loi de la République, céder temporairement la présidence de l’office à l’un d’entre eux. Dieu merci, son discours fut bref et il se contenta de lire les articles qu’on s’était bien gardé de lui transmettre trop longtemps à l’avance.
Il paraît que la presse locale était présente, mais elle se fit discrète, pour ne pas troubler l’atmosphère empreinte de recueillement de cette cérémonie toute en retenue. Ou alors était-ce de la peur ? La peur de dire un mot de travers ? La peur d’exprimer une pensée ? On distribua les offrandes aux nouveaux diacres et autres chanoinesses tout empressé.e.s de servir servilement leur seigneur bien aimé. Ici la ville intelligente au benêt de service, là le devoir de mémoire à l’agité du bocal, là encore le sport et les finances à une jeune recrue sur qui repose tous les espoirs pour expliquer clairement que “même si tout va bien, il faut toujours continuer à faire des économies” au cas où ça finirait par aller mal. Belle gymnastique en perspective. Et encore un peu d’argent dans la tirelire pour financer la prochaine cathédrale de béton : après le tennis, enfin l’équitation ?
Mais voilà que la cérémonie touche déjà à sa fin ! Doux Jésus ! Comme le temps passe vite quand l’opposition ferme sa gueule. Vade retro Satanas ! Ne nous quittons pas pour autant sans entonner notre cantique préféré. La Très Sainte Marseillaise ! C’est qu’on en a converti pas mal des infidèles et des païens avec cet hymne-là vous savez.
Bernard Lecorbeau regarde avec méfiance les activistes bruyants qui font semblant de chanter derrière leur masque. Qui sait s’ils ne prononcent pas les paroles du Chant des partisans, de l’Internationale ou du Père Dupanloup ces libres penseurs-là ?
Pierre Renard
* Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite.