– Madeleinois.es, avez-vous pensé à réclamer vos droits ?

– Nos droits ?

– Oui, citoyen.ne.s de La Madeleine. Vos droits.

Car, Mesdames et Messieurs, riches de vos droits vous êtes.

Du matin au soir, la nuit, le jour, que vous le souhaitiez ou non, vous êtes filmé.e.s par un réseau de caméras de vidéosurveillance qui VOUS coûte un bras.

Avez-vous pensé à vous présenter en mairie pour réclamer ce qui vous revient en tant que figurant de cette vaste super-production municipale ?

Stars, héros d’une série sans scénario, vos mouvements sont enregistrés (pour 28 jours bientôt – coming soon) et diffusés à un public restreint, certes, mais élu et néanmoins avide d’en (sa)voir plus puisque chaque année le déploiement de nouvelles caméras dans l’espace public est voté…à la majorité.

 

Ils nous matent

Mais qui sont donc ces aficionados de nos vies quotidiennes ?

Ils savent tout de nos faits et gestes, mais que savons-nous d’eux ?

Combien sont-ils dans la pénombre de cette salle obscure où, choisis, triés sur le volet, ils matent les épisodes de nos vies à toute heure ?

Mangent-ils du pop corn ? Font-ils des captures d’écran quand Germaine chipe un géranium dans la jardinière municipale car son minimum vieillesse ne lui permet pas d’aller chez le fleuriste ? Font-ils des captures d’écran quand Gérard va aux putes claquer 50 balles pour une pipe car ça vaut mieux que de se tripoter tout seul dans son 20m2 devant un porno javanais de mauvaise qualité ? Faisaient-ils déjà des captures d’écran quand Gwendoline sortait en pleine nuit, bravant le couvre-feu parce qu’elle n’en pouvait plus de son connard de mec, de ses parents, des bruits des voisins, des pleurs des enfants, de l’appart trop étroit, de la maison trop grande (ou l’inverse), parce qu’elle voulait juste prendre l’air, parce qu’elle avait juste envie du silence de la nuit ? Mais elle n’avait pas de chien.

Que font-ils de ces tranches de vie qui nous appartiennent ?

Dessin par Hans

Et ça protège qui ? ça protège quoi ? toutes ces caméras ?

Sécurité, tranquillité, sénilité.

De quels périls nous protègent-ils ?

Jamais les caméras de vidéosurveillance n’ont évité qu’un chauffard renverse un piéton, dissuadé un cycliste de prendre un sens interdit pour couper au plus court, empêché un abri-bus d’être vandalisé.

Jamais les caméras de vidéosurveillance n’ont permis de mettre la main sur le groupe néofasciste qui agit en toute impunité à La Madeleine, collant sauvagement des affiches “Zemmour président” hors des espaces autorisés. Jamais ces caméras n’ont permis d’arrêter ni les arracheurs d’affiches d’après minuit alors que la campagne était terminée, ni les barbouilleurs sadiques qui crevaient les yeux des candidat.e.s de gauche sur les panneaux électoraux lors des dernières élections locales.

 

Et ça coûte combien ?

Combien de pognon de dingue, d’argent public gaspillé, pour faire tourner à plein régime des caméras qui enregistrent nos vies h24 pour ensuite stocker les prises de vues sur des serveurs qui chauffent nuit et jour dans des espaces clos qu’il faut rafraîchir en permanence. Pourquoi ? Pour qui ?

Avant de moquer les films d’art et d’essai que l’argent public subventionne (à juste titre), interrogeons cette vaste daube, ce péplum municipal, cette histoire-sans-fin que personne – sauf quelques élus – ne voit.

A qui profite ce “never-ending” navet ?

Sans jamais remporter un seul César ou Oscar, ce gros nanar en technicolor et décors naturels rapporte gros au business de la sécurité. Ça c’est sûr, c’est vériSure.

Ce plus grand tournage de (et par) tous les temps finira-t-il dans le collimateur de la CNIL avant qu’elle ne joue à guichets fermés ou que le rideau tombe faute d’entrées côté jardin sur le trottoir des libertés ?

Citoyen.ne.s de La Madeleine, n’est-il pas temps de réclamer le remboursement d’un si coûteux et mauvais cirque ?

 

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Pour aller plus loin : Si vous estimez que la vidéosurveillance dans l’espace public est abusive et disproportionnée, n’hésitez pas à saisir la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) via son service des plaintes. https://www.cnil.fr/fr/contacter-la-cnil-standard-et-permanences-telephoniques

“La CNIL a en effet la faculté de s’assurer que les systèmes de vidéoprotection sont mis en oeuvre conformément au cadre légal applicable. Elle peut procéder à des contrôles. Les investigations de la Commission peuvent porter sur l’existence et la validité de l’autorisation préfectorale concernant le dispositif, sa finalité, son caractère proportionné, les modalités d’information et de droit d’accès des personnes filmées, la qualité des personnels autorisés à visualiser les images, les mesures permettant d’assurer la sécurité du traitement (notamment la nécessité de tenir un registre des consultations), la durée de conservation des images.

Le constat de manquements peut conduire la CNIL à adresser à l’organisme concerné une mise en demeure visant à ce que soient prises les mesures permettant au système de vidéoprotection d’être conforme aux règles de protection des données. En cas notamment de manquement grave ou persistant, ou d’organisme de mauvaise foi, la Commission peut également décider d’adopter une des sanctions prévues par les textes (rappel à l’ordre, limitation temporaire ou définitive du traitement, sanction pécuniaire, etc.).”

(SOURCE : Site internet officiel de la CNIL, https://www.cnil.fr/fr/la-videosurveillance-videoprotection-sur-la-voie-publique )

 

Photographie prise à La Madeleine en mars 2014